Valoriser son expérience à la retraite : Comment s’ouvrir de nouvelles voies sans se fixer de limites ?

3 juin 2025

Pourquoi valoriser son parcours à la retraite ?

Beaucoup d’entre nous abordent la retraite avec l’ombre persistante d’une question : et maintenant, comment exister socialement ? Pendant des décennies, le travail a construit notre identité, rythmé nos semaines, orienté nos conversations et forgé notre utilité. Pourtant, une étude de France Stratégie (2023) rappelle que 69% des nouveaux retraités se disent inquiets à l’idée de perdre leur utilité sociale. Mais cette inquiétude révèle surtout une formidable ressource : la richesse de vos expériences, de vos savoir-faire et savoir-être, bien loin d’être obsolètes, est attendue, recherchée, valorisable. Reste à inventer comment la mettre en lumière… sans rester prisonnier ou prisonnière de son ancienne vie professionnelle.

Distinguer valorisation et enfermement dans son parcours

La tentation est grande, dès que l’on quitte la vie active, de s’identifier à son ancien poste ou son métier. Combien d’ex-ingénieurs, d’anciennes enseignantes, de cadres ou d’ouvriers entendent encore : « Que fais-tu dans la vie ? » La valorisation, ce n’est pas garder l’étiquette ou vivre dans la nostalgie. C’est partir de son parcours pour ouvrir de nouveaux horizons. Pourquoi cette nuance est-elle cruciale ?

  • Se fixer sur son passé, c’est passer à côté de nouvelles opportunités. De nombreuses études (notamment celles de Gérontologie et Société, 2021) montrent que l’adaptabilité et la curiosité sont les piliers d’un vieillissement épanoui.
  • S’enfermer dans son identité professionnelle peut freiner l’accès à d’autres sphères : bénévolat, nouvelles amitiés, apprentissage.
  • Valoriser son parcours, c’est donner du sens à son expérience pour soi et pour les autres – pas pour le CV, mais pour le plaisir d’avancer.

Les leviers concrets pour mettre en valeur son parcours… et s’ouvrir

1. Ré-écrire son récit : de l’expérience professionnelle à l’histoire de vie

Selon le rapport de la DREES (2022), 56% des jeunes retraités ressentent la nécessité de « redéfinir » leur parcours après la fin de vie active. La première étape est donc de reprendre la main sur la façon dont on parle de soi.

  • Repenser ses compétences : Au-delà du poste occupé, quelles compétences avez-vous développées ? La gestion de conflit, l’écoute, le travail en équipe, la rigueur… Ces qualités trouvent écho dans une multitude de domaines, du bénévolat à l’entrepreneuriat social.
  • Raconter une évolution : Évitez la liste chronologique des postes : préférez la narration de vos envies, de ce que vous avez appris et aimé… et de ce que vous souhaitez transmettre ou expérimenter désormais.
  • S’appuyer sur le « portfolio de vie » : De plus en plus reconnu (notamment au Québec avec les conseils de l’Université de Sherbrooke), il s’agit de réunir, pour soi, les projets, engagements, formations et thèmes marquants — pro ou perso.

2. Oser la transmission… mais à sa façon

La retraite est un formidable moment pour transmettre, mais la transmission prend bien des formes. Et il s’agit moins de donner des leçons que de partager une posture.

  • Le tutorat intergénérationnel : Des programmes tels que « Passerelles & Compétences » ou « Tandem Solidaire » proposent aux seniors d’accompagner des plus jeunes dans leurs premiers pas professionnels, sans rapport hiérarchique. En 2023, près de 120 000 personnes en France étaient engagées dans de tels dispositifs (source : France Bénévolat).
  • Le mentorat « informel » : Valoriser ses expériences peut passer par de simples conversations : un café avec une jeune entrepreneuse, un atelier d’écriture dans une médiathèque, un dialogue avec un voisin. Chacun a sa façon d’inspirer.
  • Sortir de sa zone de confort : La transmission la plus puissante parfois consiste à apprendre soi-même (langues, numérique, jardinage…) pour, ensuite, partager ce plaisir d’évoluer.

3. S’engager là où l’on peut (et veut) avoir de l’impact

Mettre sa compétence au service des autres n’exige ni de ressasser son passé ni de le renier. C’est dans la nuance que vous trouverez un nouvel équilibre : donner sans (trop) se donner de rôle.

  • L’engagement associatif : Selon le Baromètre France Bénévolat 2023, 21% des nouveaux bénévoles en associations ont plus de 60 ans. Beaucoup trouvent satisfaction à s’impliquer dans des causes proches ou, au contraire, à s’aventurer là où ils n’avaient jamais mis les pieds.
  • Le volontariat de compétences : Le dispositif du « mécénat de compétences senior » permet, avant ou juste après la retraite, de consacrer une partie de son temps de travail ou libre à aider une association ou une entreprise sociale, sur des missions sur-mesure (sources : Les Echos, 2022 ; Fondation Agir Contre l’Exclusion).
  • S’engager pour soi : S’investir peut aussi signifier défendre ses propres valeurs : syndicat de retraités, collectifs citoyens, etc. Selon l’INSEE, la participation aux mouvements citoyens des retraités a augmenté de près de 15% ces cinq dernières années.

Créer des ponts entre son passé et de nouveaux horizons

Valoriser son parcours, c’est parfois l’occasion de renverser la perspective. Quelques pistes pour construire des liens inédits…

  • Lier passions et savoir-faire : Ancien chef de projet passionné de cuisine ? Pourquoi ne pas lancer des ateliers de cuisine partagés ? Ex-enseignante férue de voyages ? Proposer des “cafés cultures” autour du monde. Osez les croisements inattendus.
  • Trouver des partenaires d’aventure : 42% des retraités souhaitent, selon une enquête Ifop pour Notre Temps (2021), vivre de nouveaux projets à plusieurs. Les clubs seniors, les tiers-lieux et même les réseaux sociaux locaux (Meetup, Nextdoor) sont de vrais tremplins.
  • Faire évoluer sa « marque personnelle » : L’image que vous donnez de vous n’a pas à être figée. Pourquoi ne pas changer de prisme, mettre en avant vos engagements associatifs, artistiques ou citoyens lors de vos présentations, au lieu de votre carrière ?

Les freins à surveiller… et comment les dépasser

S’ouvrir tout en valorisant son expérience suppose d’accepter quelques paradoxes et de rester en mouvement. Voici les principaux pièges à éviter.

  1. Penser qu’il n’y a plus rien à apprendre : Les travaux de la Fondation Recherche Alzheimer (2023) démontrent que l’apprentissage continu même à un âge avancé est non seulement possible mais bénéfique cognitivement. Il est donc vital de cultiver sa curiosité.
  2. Sous-estimer ses compétences transférables : Beaucoup de seniors ont le sentiment que leurs acquis ne “servent plus” — pourtant, l’OCDE indique que la transmission d’expériences concrètes et le mentorat sont perçus comme très précieux par les jeunes générations.
  3. La peur de ne pas être légitime : Le syndrome de l’imposteur ne s’arrête pas à la porte de la retraite. Rappel utile : Personne n’attend de vous une expertise parfaite — juste de l’authenticité et de l’envie.
  4. L’isolement : Selon les Petits Frères des Pauvres, près de 2 millions de personnes de plus de 60 ans se sentent isolées en France. Toucher d’autres cercles que l’ancien monde professionnel s’avère donc vital, par de nouvelles communautés, activités ou rencontres.

Des exemples inspirants

Pour finir, quelques exemples concrets – et authentiques – de personnes qui ont su transformer leur histoire sans s’y enfermer :

  • Jacques : Ancien dirigeant d’entreprise, il anime désormais des ateliers de soutien scolaire dans une zone rurale, et a créé une section “initiation à l’économie sociale” ouverte à tous.
  • Marie-Thérèse : Ex-infirmière, elle s’est formée à l’aromathérapie et propose des ateliers bien-être pour les aidants familiaux. Sa formation initiale l’aide, mais elle explore sans cesse de nouveaux sujets.
  • Alain : Ex-mécanicien ferroviaire, il partage aujourd’hui sa passion pour l’aquarelle, organise des expositions collectives et a été invité à former des groupes de jeunes artistes en apprentissage.

Le temps de la Jubilación : ouvrir une page, pas tourner la dernière

Valoriser son parcours sans s’y enfermer, c’est redevenir artisan de ses projets. Cela suppose de jongler avec son histoire, de l’honorer, mais aussi d’oser écrire de nouveaux chapitres, inattendus et parfois surprenants. La société a besoin de la diversité des talents et des parcours des retraités, pour inspirer, relier et transformer. À force de petits pas ou de grands élans, chacun peut trouver comment rendre ce temps épanouissant, utile, et profondément vivant. C’est cela, le temps de la jubilación : le temps d’agir, autrement — et de continuer à grandir.

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