Transformer la retraite en nouvelle aventure : dépasser le sentiment d’une carrière inachevée

31 mai 2025

Quand l’heure du bilan arrive : comprendre le sentiment d’inachevé

Qu’on l’ait attendue avec impatience ou qu’elle se soit invitée plus rapidement qu’anticipé, la retraite vient souvent mettre un point final à notre vie professionnelle... ou du moins, c’est ce que beaucoup imaginent. Mais ce point final peut parfois ressembler à un point de suspension. Selon une étude de la DREES de 2017, près d’un tiers des nouveaux retraités déclarent ressentir de la frustration en lien avec leur carrière (source : DREES, Études et Résultats n°1036, 2017). Il n’est pas rare de nourrir l’impression que l’histoire reste incomplète : un poste jamais décroché, une vocation non assumée, un virage professionnel junior avorté, ou encore des efforts non reconnus.

Ce ressenti est humain, mais il ne définit en rien les prochaines années. Mieux : il peut devenir le moteur d’une nouvelle dynamique, si on accepte de le comprendre et de le transformer.

Décrypter les sources d'insatisfaction professionnelle

Avant de tourner la page ou d'en écrire une nouvelle, il est utile de faire le tour des différents fils qui tissent ce sentiment d’inachevé. D’après le baromètre 2022 Malakoff Humanis, les principales sources de regrets à la fin de la vie professionnelle sont :

  • Ne pas avoir exploité ses talents ou passions (41% des répondants)
  • Avoir manqué de reconnaissance ou de valorisation (28%)
  • S’être senti enfermé dans un métier ou une entreprise (25%)
  • Avoir mis de côté sa vie personnelle au profit du travail (22%)

Face à ces constats, il est essentiel de se donner le droit de relire son parcours sans filtre, mais sans sévérité non plus. Car « la réécriture de la trajectoire est un enjeu majeur dans l’approche du vieillissement » selon le sociologue Serge Guérin (France Inter, 2023).

Se réapproprier son récit professionnel

Se détacher de la norme « réussite »

La société adore raconter de belles réussites linéaires mais la réalité est tout autre. Nos histoires professionnelles sont pleines de bifurcations, d’impasses, de rebonds, de compromis. Prendre conscience que l’idée d’une carrière parfaite est un mythe partagé aide déjà à alléger la charge des regrets. Selon les travaux de la psychothérapeute Irvin Yalom, c’est en acceptant l’imperfection de nos parcours que nous pouvons nous réconcilier avec le passé pour investir pleinement l’avenir.

Identifier ses accomplissements réels

On juge souvent sa vie professionnelle à l’aune d’objectifs sociaux (promotion, salaire, titres...). Pourtant, ce sont parfois les choix plus discrets qui constituent de véritables accomplissements : avoir aidé un collègue en difficulté, fait preuve d’éthique dans un contexte difficile, su préserver du temps pour sa famille, ou être resté fidèle à ses valeurs. Relire son parcours avec cet œil-là aide à voir ce que l’on a vraiment construit, au-delà du CV.

  • Faire la liste de ses « petites » victoires
  • Demander à ses proches ou anciens collègues ce qu’ils gardent de positif en mémoire
  • Regarder les défis relevés, petits ou grands

Ouvrir une nouvelle étape : passer de la frustration à l’action

Faire la paix avec le passé ne veut pas dire l’oublier ou tirer un trait sur ses aspirations. C’est, au contraire, l’occasion unique de transformer ce qui aurait pu être en ce qui peut advenir maintenant. Contrairement à une idée reçue, le sentiment d’inachevé n’est pas une fatalité : c’est un point de départ pour écrire un nouveau chapitre à sa mesure.

Donner du sens autrement : les formes d’engagement post-carrière

Se sentir utile, valorisé, reconnu, n’est pas réservé à la sphère professionnelle. De nombreuses enquêtes, telles que le rapport France Bénévolat 2023, montrent que plus de 47% des 60-75 ans s’impliquent déjà dans des associations, tant sur des missions ponctuelles qu’au long cours (source : France Bénévolat). Les associations recherchent de plus en plus des compétences pointues, de l’accompagnement, du mentorat, ou de l’encadrement.

  • Soutien scolaire ou mentorat pour jeunes ou adultes en reconversion
  • Aide à l’alphabétisation, ateliers numériques, workshops thématiques
  • Participation à des conseils d’administration ou à des jurys
  • Engagements ponctuels selon ses disponibilités ou projets de long terme

Des portails comme Tous Bénévoles recensent des milliers d’offres adaptées à chaque envie d’implication.

Transmettre ce que l’on a appris

L’un des leviers les plus puissants pour redonner du sens à son expérience professionnelle est la transmission. Selon une enquête de l’INED en 2021, 62% des retraité·es aimeraient s’impliquer dans la transmission de compétences auprès des plus jeunes (source : INED, Dossier 2021). Les dispositifs de mentorat, tutorat ou partage d’expériences foisonnent, notamment dans le secteur associatif, éducatif ou entrepreneurial.

  • Accompagnement de créateurs d’entreprise dans des réseaux d’aide comme France Active ou l’Adie
  • Interventions auprès d’écoles ou universités
  • Animation de conférences, ateliers ou cafés-rencontres

L’impact social et personnel de cette transmission est immense : il permet non seulement de valoriser l’expérience passée, mais aussi de rester connecté aux enjeux du monde actuel.

Prendre soin de soi sans s’oublier : reconnaître la rupture et accueillir les émotions

La fin de la vie active est un moment charnière. Selon la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, jusqu’à 30% des nouveaux retraités traversent une période de « down » psychologique dans les six premiers mois, souvent liée à la perte de repères et à l’absence de routines structurantes (source : CNAV, 2020). Oser exprimer ses émotions — regret, tristesse, colère, mais aussi soulagement ou fierté — en parler ouvertement, voire se faire accompagner (groupes de parole, psychologues, coachs spécialisés dans la transition de retraite) est une démarche précieuse.

  • Pouvoir confier son ressenti à des proches ou lors d’ateliers de discussion
  • Prendre du temps pour soi sans culpabiliser
  • Ne pas nier le sentiment d’inachevé, mais s’autoriser à l’explorer sans s’y enfermer

Retraite : un nouveau terrain d’expérimentation personnelle

S'engager dans des activités porteuses de sens ne signifie pas reproduire le passé ; il s’agit de s’autoriser à expérimenter différemment. De plus en plus de retraités choisissent de se réinventer totalement, certains explorant l’écriture, la peinture, d’autres créant des podcasts, des blogs, s'impliquant en politique locale ou dans l’écologie. Parfois, la « carrière inachevée » trouve écho et réparation dans ces nouveaux champs d’action.

  • Diversifier ses activités permet de révéler des talents cachés
  • Créer un projet seul ou en collectif pour rencontrer d’autres « jeunes retraité·es »
  • Redéfinir ses critères de satisfaction : s’épanouir n'est plus une question de résultats normés, mais d'alignement avec ses envies

Le rapport Seniors et Numérique (France Stratégie, 2023) souligne que 38% des retraité·es ont initié de nouveaux apprentissages numériques, ouvrant la voie à des projets qui n’auraient pas été imaginés dix ans auparavant.

Pour aller plus loin : ressources et inspirations

Voici quelques ressources utiles pour alimenter cette transition :

  • France Bénévolat pour trouver une mission adaptée à son profil
  • Solidarité Numérique pour se former sur le digital et ouvrir de nouveaux horizons
  • Ouvrage de Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot, Vieillir c'est vivre (Éd. Plon, 2018) pour aborder la question du regard social sur la retraite
  • Sujets inspirants sur La Finance pour tous pour comprendre les nouvelles marges de liberté offertes par la retraite

Aller de l’avant, encore et toujours

Faire la paix avec une carrière jugée inachevée, c’est choisir de voir la retraite comme un carrefour d’opportunités plutôt qu’un constat d’échec. Les énergies et les compétences accumulées durant des décennies peuvent ouvrir mille chemins : mentorat, transmission, engagement associatif, développement personnel ou projet citoyen. Ce n’est jamais figé. Il y a autant de possibles que de parcours. Et si, justement, la suite devenait la plus belle page à écrire ?

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