Transformer son expérience : comment s’appuyer sur son parcours professionnel à la retraite ?

7 juin 2025

Le passé professionnel : bagage ou fardeau ? Une question centrale à l’heure de la retraite

Nous sommes nombreux, à l’approche de la retraite, à nous interroger : que faire de ces dizaines d’années d’engagement, de savoir-faire, de contacts et parfois, de tensions ou de pressions accumulées ? Faut-il laisser derrière soi tout ce pan de sa vie, ou lui donner une place dans cette étape nouvelle ?

Longtemps, la retraite a été perçue comme une rupture, marquée par la mise à l’écart d’un monde professionnel auquel on consacrait l’essentiel de nos journées. Mais les mentalités évoluent : aujourd’hui, selon la DREES, près de 68 % des jeunes retraité·es pensent que leur expérience professionnelle peut continuer à servir, que ce soit dans du bénévolat, de la transmission, ou de nouveaux projets (DREES, Les retraités et la retraite, 2023).

Donner du sens à son passé professionnel : pourquoi c’est important 

Revaloriser son expérience, c’est déjà s’autoriser à relire son histoire sous un autre angle. Loin d’être une fin, la fin de carrière peut être l’occasion de comprendre ce que l’on a appris, aimé, réussi, mais aussi les limites que l’on ne veut plus franchir.

  • Prendre le temps de revisiter son parcours : Trois retraité·es sur cinq disent n’avoir jamais eu l’occasion de faire un bilan de compétences ou un retour sur leur vie pro avant de partir (France Compétences). Pourtant, cet « arrêt sur image » permet de mieux choisir ses prochaines activités en fonction de ses véritables motivations.
  • Valoriser ses compétences « transversales » : savoir fédérer, organiser, accompagner, former, ou gérer des situations complexes, ne s’arrête pas avec le dernier jour de travail. Ces compétences sont précieuses pour le tissu associatif, éducatif, ou artistique.
  • Garder le lien social : en France, 32 % des nouveaux retraités disent ressentir un « vide » social (> INSEE, 2022), souvent lié à la perte du lien quotidien avec les collègues. Revisiter son expérience aide à mesurer ce qu’on souhaite garder : travailler en équipe, transmettre, ou au contraire, privilégier l’autonomie.

Comment tirer le meilleur de son passé professionnel ?

Prendre du recul : l’étape trop souvent négligée

Prendre le temps de relire son trajet professionnel, ce n’est pas s’enferrer dans la nostalgie, c’est se donner le droit de choisir. Voici comment amorcer ce temps d’introspection, sans pression :

  • Faire un « bilan des énergies » : Qu’est-ce qui nous motivait ? Qu’est-ce qu’on ne veut plus faire ? Où a-t-on pris du plaisir ?
  • Identifier ses compétences « invisibles » : Beaucoup de talents s’expriment en dehors du descriptif de poste : empathie, gestion de crises, créativité…
  • Rencontrer d’autres retraité·es, pour confronter les points de vue et découvrir d’autres manières de donner une suite à son expérience (cafés associatifs, réseaux d’anciens…)

Le saviez-vous ? 48 % des retraités actifs dans une association ont découvert leur engagement grâce à un·e pair, pas via une structure institutionnelle (France Bénévolat, 2024).

Des pistes concrètes : donner du sens à son parcours

  • Le bénévolat professionnel : Selon France Bénévolat, un cadre sur trois s’engage dans son domaine dès la première année de retraite, par exemple via l’aide à la gestion d’associations, l’accompagnement scolaire, ou le conseil dans l’entrepreneuriat (60 000 rebonds, EGEE, Passerelles & Compétences...). Ce transfert de compétences est particulièrement recherché.
  • La transmission et la formation : De plus en plus de retraités assurent des formations ponctuelles, des ateliers ou conférences, notamment dans les universités du temps libre (plus de 800 venues chaque année en 2022, selon la Fédération Française des Universités Populaires), ou dans des collèges en zone d’éducation prioritaire (secours scolaires, actions de mentorat via l’Afev...).
  • L’accompagnement individuel : Devenir mentor, coach, chez les jeunes actifs ou les entrepreneurs débutants. Un rapport Capgemini de 2023 note que 52% des retraité·es souhaitent « transmettre autrement » et voient dans cet accompagnement un puissant moteur contre le sentiment d’inutilité.

Que faire de “l’étiquette” professionnelle ? Se libérer ou s’en servir ?

L’une des principales questions pour beaucoup : faut-il continuer de se présenter comme l’ancien·ne « prof », « directrice commerciale », « médecin », « ingénieur » ? D’après un sondage IFOP (2022), moins de la moitié des jeunes retraités aiment être désignés uniquement par leur ex-métier, mais 85% considèrent qu’il fait encore partie de leur identité.

Bousculer les habitudes, c’est possible :

  • Inventer un pitch personnel, axé sur ce qu’on souhaite faire, et pas seulement sur ce qu’on a fait
  • Se présenter dans un nouveau contexte (« je me passionne désormais pour... », « j’aide telle structure sur telle mission », etc.)
  • Oser parler de réorientations ou de projets qui n’ont “rien à voir” avec sa carrière passée - un tiers des retraité·es investissent des secteurs qu’ils n’avaient jamais explorés (INSEE, 2023).

Changer de posture : la richesse du retraité multi-facettes

Il n’y a pas de recette unique pour intégrer son passé professionnel à sa vie de retraité·e. Pour certain·es, ce sera continuer à s’impliquer dans le même domaine, pour d’autres, oser le bouleversement complet. Le plus important reste de se donner la liberté de choisir, et de ne pas sous-estimer la valeur de l’expérience accumulée, là où elle peut résonner.

Voici quelques témoignages recueillis dans différents réseaux associatifs ou initiatives intergénérationnelles :

  • Mme B., ancienne enseignante : “Transmettre la passion des livres aux enfants dans une bibliothèque municipale, c’est différent que dans une classe, mais je retrouve le plaisir du partage. Je me sens utile, et je continue d’apprendre aussi.”
  • M. F., ex-cadre supérieur, bénévole dans l’ESS : “J’ai cru vouloir tourner la page avec le salariat. Finalement, mes connaissances en gestion sont précieuses pour l’association. Mais j’ai choisi de ne plus avoir à gérer de hiérarchie ou de reporting, c’est mon luxe.”
  • Madame K., infirmière à la retraite, créatrice de podcast santé : “Mes années à l’hôpital me servent tous les jours. Pourtant, c’est un tout autre mode d’action, mais avec le même engagement dans l’information du public.”

Quelques conseils pour sublimer son passé professionnel à cette étape

  • Osez les réseaux de pairs : bénévolat sectoriel, rencontres dans des clubs ou universités populaires, plateformes de mentorat...
  • Participez à un atelier de bilan post-carrière (nombreuses caisses de retraite, et structures comme APEC ou EGEE le proposent gratuitement ou à tarifs symboliques).
  • Explorez des activités sans rapport avec votre carrière : la surprise de voir vos talents réapparaître autrement est souvent source de fierté inattendue.
  • Misez sur les compétences relationnelles : l’écoute, la diplomatie, la créativité, la gestion du temps sont recherchées partout, particulièrement dans le bénévolat de proximité ou le soutien scolaire.

La question n’est donc pas seulement “comment utiliser mon passé professionnel ?” mais aussi : “Quelle part de cette histoire je veux choisir de transmettre, de transformer, ou d’oser renouveler ?” Cette liberté, ce temps, et cet impact possibles, c’est justement cela : le temps de la jubilación.

En savoir plus à ce sujet :